Saint-Lys : comprendre la place du CPAR dans la politique migratoire.

Saint-Lys : comprendre la place du CPAR dans la politique migratoire

[Transcription sans illustrations d’une brochure qui est également disponible complète en pdf en bas de page. - Cette brochure a été rédigée au printemps 2024 pour être distribuée sur la commune. Elle fait suite à une première brochure, rédigée au printemps 2023, aussi disponible sur iaata, titrée « Emulsion raciste autour d’un projet de CPAR à Saint-Lys (31470) »]

Depuis son ouverture, la tension autour du CPAR (Centre de Préparation Au Retour) à Saint-Lys est retombée. Contrairement aux inquiétudes xénophobes de certain·es, la vie des Saint-Lysien·nes n’en a pas été bouleversée. La mobilisation anti-CPAR et les propos du maire n’ont finalement servi que de tribune à divers courants d’extrême-droite, comme illustré dans le tract précédent.

Comme on peut le comprendre dans un article de La Dépêche titré « Premières arrivées de migrants à Saint-Lys : « J’ai plus peur des skinheads dans les cortèges des opposants que de ces gens » (23/10/2023), cette récupération a gêné une partie des Saint-Lysien·nes, même au sein du collectif Stop CPAR.

Le projet politique derrière le CPAR s’inscrit pourtant dans le cadre d’un durcissement des politiques migratoires qui va dans le même sens que l’idéologie raciste qui sous-tend le discours de l’extrême-droite. Le gouvernement macroniste et l’extrême-droite se livrent une bataille électoraliste pour savoir qui sera le plus violent envers les personnes exilées, au mépris des droits humains. Dans ce tract, nous proposons de replacer le principe du "retour volontaire" dans les politiques migratoires actuelles qui font vivre un enfer à de réelles personnes humaines.

Comment comprendre le système de retour « volontaire » ?
« J’ai quitté mon pays parce que j’étais maltraité là-bas. J’ai aussi besoin de me soigner car j’ai des problèmes de santé. Proposer aux demandeurs d’asile un retour volontaire c’est inquiétant, car la plupart des gens sont venus pour résoudre certains problèmes et chercher une vie un peu meilleure. »
(Moussa, interviewé par Rue 89 Lyon – 22/07/2023)

Qu’est-ce que vit une personne qui transite dans un CPAR ?

Le système de retour dit "volontaire" concerne en principe les personnes dont la demande d’asile n’a pas abouti. Les orienter vers une sortie hors du pays contrevient donc à leur souhait de vivre en France, souvent motivé par le besoin de fuir une situation violente (guerre, menace de mort, etc.) ou de privation (pauvreté, maladie sans soin, pas d’accès à l’éducation, etc.).

La réponse à une demande d’asile arrive après une longue attente d’environ un an après dépôt du dossier. Durant ce temps, les personnes exilées font face à de nombreuses difficultés, notamment la vie à la rue (le manque de places en en hébergement d’urgence ou en centres d’accueil force beaucoup d’entre elleux à dormir, dans des bidonvilles/squats ou dehors). Pendant les 6 premiers mois, il leur est interdit de travailler. Cela les plonge dans la précarité et les amène parfois vers des emplois non-déclarés, sans protection dans des métiers difficiles (ménage, bâtiment, travail du sexe, saisonnier…).
"J’ai travaillé aux abattoirs de Rodez, dans des entreprises de nettoyage, dans le bâtiment aussi." Abdelhakim, au CPAR de St-Lys (La Dépêche – 23/12/23)
→ Cette précarité profite à celleux qui les exploitent. RDV en fin de brochure pour revenir sur ce sujet.

Lors du refus d’une demande d’asile (automatiquement suivi d’une OQTF – Obligation de Quitter le Territoire Français), l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration) oriente les demandeur·euses vers la procédure de retour volontaire, les éloignant parfois ainsi des possibilités de recours ou de réexamen de leur demande. Cette pratique peut servir à les déposséder de ce droit à poursuivre leur demande d’asile.
Si l’on ne va pas en CPAR ou DPAR, on court le risque d’une arrestation et d’être envoyé·e en Centre de Rétention Administrative (des prisons dans lesquelles de multiples maltraitances ont été recensées), même pour les familles ayant des enfants.

Pour les rares personnes ayant obtenu une place en centre d’accueil, il y a donc un chantage à l’hébergement car le refus de demande d’asile va avec une remise à la rue. Il y a aussi une pression à prendre vite cette difficile décision, sinon l’aide financière diminue, passant de 1200€ (2500€ si majoration exceptionnelle) à 400€ (rapport Assemblée Nationale n°1745, annexe 28).
Également, une épée de Damoclès flotte au-dessus de cette aide qui peut être perdue au moindre conflit. À Saint-Lys, le sous préfet Blondel rapporte "qu’un monsieur a pu se procurer de l’alcool", "s’est mal comporté", et a été enfermé en CRA. Sous ce régime précaire, on peut être emprisonné·e au moindre dérangement que l’on cause à un encadrement autoritaire…

Difficile pour les personnes migrantes d’être informées de la législation autour du retour volontaire, et des abus ont déjà été documentés.
Certaines préfectures et agences de l’OFII profitent de moments où les personnes sont dans de grandes difficultés, comme lors de remises à la rue, pour les convoquer à des rendez-vous administratifs dont l’objectif n’est pas précisé. Au lieu de répondre au besoin d’hébergement, ces entretiens se révèlent n’être là que pour les pousser à accepter cette aide au retour.

Mediapart (09/08/2022) :
Plusieurs femmes orientées vers des centre d’aide au retour volontaire.
« Certaines ont été logées en région parisienne. Nous [un groupe de quatre Ivoiriennes – ndlr], on a accepté d’aller à Caen. Une fois sur place, le centre nous a expliqué qu’il ne proposait pas d’hébergement, mais des retours volontaires. On nous a proposé 6 000 euros pour rentrer chez nous. » enchaîne Massé, qui précise n’avoir « pas quitté son pays pour des problèmes d’argent ».

Mediapart (22/07/2023) :
À Lyon, l’État propose une « aide au retour » à des demandeurs d’asile non déboutés.

LyonCapitale (10/08/2023) :
Aide au retour proposée aux occupants du gymnase Bellecombe : « si je retourne dans mon pays, je meurs ».

→ Pour en savoir plus, lire cet entretien avec J.-P. Cassarino, « Entre expulsion et retour volontaire, la frontière est fine » : www.dialogueseconomiques.fr/article/entre-expulsion-et-retour-volontaire-la-frontiere-est-fine

Macronisme, extrême-droite, Union Européenne, même combat : expulsions, mépris des droits humains… (et le système de retour "volontaire" dans tout ça)

"On estime entre 10 000 et 15 000 € une reconduite forcée à la frontière contre 2000 à 4000 pour un retour volontaire." (J.-P. Cassarino)

Contrairement aux dires du gouvernement qui insiste sur l’aspect "volontaire" et aidé des retours, les CPAR sous leur vernis
 d’accompagnement social sont en réalité des centres d’expulsion "soft". Alors le gouvernement et l’extrême-droite s’opposent-ils réellement sur ce sujet ?

Titre de BFMTV RMC (25/01/24) : « C’est très intéressant. » : Gérald Darmanin se félicite des expulsions d’étrangers en hausse.

Le gouvernement reprend fréquemment à son compte les rhétoriques d’extrême-droite sur l’immigration : le ministre de l’intérieur communique régulièrement sur les chiffres d’expulsion. Construction médiatique reprise en boucle, alors même que les personnes migrantes (entrées illégales comprises) représentent moins
 de 1% de la population française, c’est un sujet sur
 lequel il tente de concurrencer l’extrême-droite, tout en ménageant son budget (la Cour des Comptes recommande les CPAR !). Le RN et Reconquête appellent eux à une surenchère de violence envers les personnes exilé·es afin de simuler une opposition avec le gouvernement et l’UE, qui pourtant vont aussi dans ce sens.
Le durcissement de la politique migratoire européenne se traduit notamment par la sous-traitance de sa politique migratoire par exemple à la 
Tunisie ou à la Libye, où les garde-côtes torturent, coulent les embarcations de
 fortune et entravent l’action des secours. Depuis 2014, au moins 25 000 hommes, femmes et enfants sont mort·es en Méditerranée (dossier Médiapart "Méditerrannée, cimetière de réfugiés").

Titre de Amnesty International (31/01/2022) : Libye/UE : Les conditions demeurent « infernales » alors que l’UE célèbre cinq années d’accords de coopération.

Dans ce contexte où l’UE finance déjà en pleine conscience complice l’assassinat de personnes migrantes au large de ses frontières, où se déploie un nouveau pacte européen encourageant ces pratiques de sous-traitance, et où la loi Darmanin a encore récemment durci en France les conditions d’accueil et précarisé les personnes exilé·es, appeler comme le RN à plus de "fermeté" équivaut à demander une multiplication de ces crimes dans une logique raciste. Le candidat RN Leggeri, ancien directeur de Frontex (agence des frontières de l’UE) a d’ailleurs démissionné au moment d’une enquête sur sa complaisance envers les renvois violents et illégaux de personnes migrantes (Le Monde, 29/04/22).

MONDE DU TRAVAIL
 : L’exploitation des sans-papiers et autres précaires : un business fructueux, notamment en ruralité

Le maintien des personnes migrantes dans la précarité ne relève cependant pas uniquement d’une bataille idéologique ou éléctorale. C’est aussi une question d’intérêts économiques.


Titre du Monde (13/11/2022) : « Les employeurs aiment les sans-papiers car ils ne peuvent pas réclamer leurs droits. »

De la même façon que la précarisation grandissante de la population française (réforme des retraites, du travail, du chômage, du RSA...) amène les personnes à accepter des conditions de travail de plus en plus détériorées, le recours à des travailleur·euses sans papiers permet de les exploiter à souhait sans risquer qu’iels ne se retournent contre leur employeur·euse ou demandent de meilleures conditions de travail. Ceci est particulièrement vrai en milieu rural.
Grandes exploitations agricoles, Coordination Rurale et FNSEA, importants relais des discours du RN à la campagne, sont bien contents d’avoir massivement recours à des travailleur·euses détaché·es et sans-papiers. Ce business juteux, dont ni le gouvernement ni le RN ne souhaitent parler, constitue l’une des raisons pour lesquelles
 ces mouvements s’opposent à la régularisation des personnes sans-papiers. Tout cela se faisant évidemment au détriment des petit·es agriculteur·ices qui n’ont pas les moyens d’embaucher des personnes - avec ou sans papiers.

Mediapart (29/02/2024) : Travailleurs saisonniers du Maghreb : la FNSEA lance son propre business.
Grâce à des accords passés en Tunisie et au Maroc, le syndicat agricole a décide de fournir des « saisonniers hors Union Européenne » aux agriculteurs. Elle fait des prix de gros et recommande d’éviter de parler de « migrants ».
Nous invitons tou·tes les précaires et exploité·es en ruralité à être solidaires de ces personnes sans-papiers !

→ Une idée pour poursuivre la réflexion : le groupe VISA (Vigilance et Initiatives Antifascistes Syndicales) a publié un dossier sur les rapports entre l’extrême-droite et le milieu agricole. (www.visa-isa.org)

Soyons le Savès Antifasciste ! - contact : saves_antifa@protonmail.com

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